Un chant, une musique, même sublime dans son écriture, n'atteindra pas la visée qui doit être la sienne sans un maximum de qualité. Il est hautement souhaitable que les "médiateurs" disposent d'une technique irréprochable faute de quoi c'est toute la communauté assemblée qui s'en trouvera lésée. La compétence technique des musiciens, compositeurs, instrumentistes mais aussi choristes, chantres et chefs de choeur,  fussent-ils amateurs, est requise par l'Eglise ; de même la compétence liturgique. Qu'on lise et chante les VILLENEUVE, DARASSE, BERTHIER, pour ne citer que ceux-là, et nous serons fixés sur ce point :  ni la musicalité ni la vocalité ne peuvent faire douter d'une mise en oeuvre qui, à la fois par la liturgie dont elle est partie prenante et par sa nature propre, est Epiphanie de Dieu.

 

La Musique Sacrée appartient

autant à la Liturgie qu'à la Musique.

La musique n'est pas un auxiliaire de la liturgie, elle en fait partie. Une fois l'oeuvre couchée sur le papier, verbe et son ne peuvent se dissocier. La musique est évidemment un mode d'expression mais elle colle avant tout au texte . Elle le commente, lui donne différents éclairages. Elle en est la rhétorique. Elle lui est donc soumise et, des mots, naît la composition. Il semble bon de le rappeler en une époque où les oeuvres religieuses s'exécutent souvent en concert, hors du cadre pour lesquels elles ont été conçues.

 

Points de repère ·

1. Le chant, des chrétiens assemblés

1.1. Lorsque des hommes assemblés au nom de Jésus célèbrent les mystères de leur foi, leur action commune, appelée liturgie, se compose d'un certain nombre de pratiques symboliques (rites et sacrements) parmi lesquelles le chant et la musique occupent une place privilégiée.

1.2. Le culte chrétien comporte :

            a) une annonce du salut en Jésus-Christ ;

b) une réponse des croyants assemblés ;

c) une actualisation en geste de l'alliance ainsi passée  entre Dieu et les hommes. Chant et musique  s'intègrent dans ces diverses composantes de l'action liturgique :

1. pour soutenir et renforcer la proclamation évangélique sous toutes ses formes ;  

2. pour donner à la confession de la foi, à la supplication et à l'action de grâce une expression plus complète ;  pour mettre en valeur le rite sacramentel sous son double aspect de geste et de parole.

3. Les pratiques vocales et instrumentales intégrées dans les liturgies chrétiennes peuvent être appelées « musique des liturgies chrétiennes », ou encore "

musique rituelle des chrétiens

Note : moins précises sont les expressions courantes comme  "musique religieuse", "musique d'église".

4. Par musique rituelle, nous entendons toute pratique vocale et instrumentale qui, dans la célébration, se distingue des formes  habituelles soit: de la parole parlée, soit des sons ou bruits ordinaires. Le domaine sonore ainsi désigné peut déborder ce qui est couramment défini comme "musique" ou comme "chant" dans certaines aires culturelles.

 

 la "Musique Sacrée" est, à nos yeux celle qui, en liturgie ou hors célébrations, "élève l'âme vers Dieu" (introït du 1° Dimanche de l'Avent : "Ad Te levavi animan meam"). Elle est celle que nous aimons à répandre, tel un parfum de grand prix, aux pieds du Seigneur (Saint Jean, XII, 1-9).

 

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 Rubens de Saint Petersbourg

Hier

Au milieu du XII° siècle, la prédominance de l’ouïe meurt et tombe dans l’oubli car les disciples de Saint Bernard (+ 1553), frustrés par l’ascèse auditive et, peut-être inspirés par ses effets terrestres, reprennent le chemin du primat visuel. En même temps, le chevet droit de Clairvaux cède devant la courbe d’une abside : c’est la fin des « partis pris de l’ouïe et de rectangularité ».

        Quand l’ogive gothique escalade le ciel, elle éloigne le son de l’oreille de l’homme, préparant l’éclosion des œuvres visionnaires. L’oratoire a cédé la place aux cathédrales : c’est est fini du « parti pris de la réduction ».

        Libre du « parti pris de simplification », le sévère oculus est devenu rosace ; des visions de gloire aux couleurs merveilleuses flamboient avec la pierre, à l’échelle onirique d’une cité céleste aux murs de pierreries.

        L’oreille se défend du triomphe de l’œil ; le déchant de la voûte lui faisant défaut, la grande voix de pierre sera remplacée par l’organum, suivi de la polyphonie [1]. Mais le chœur a du mal à rattraper la nef : l’instrument n’étant plus à la mesure humaine, la voûte gigantesque aura besoin de l’orgue.

        Aujourd’hui

        Tant que l’oreille arrive à rattraper l’espace du temple, enrichissant la musique sacrée, une harmonie demeure au sein des liturgies. Mais l’unité dans la diversité sonore est composée par l’homme et non plus par la voûte. En s’écoulant, le temps modifie les structures. La pensée s’en ressent ; la raison n’est pas loin. Le triomphe de l’œil qui voit, clair et distinct, trompe l’entendement au nom de l’évidence. Et deux siècles plus tard, la déesse « Raison » remplace l’oraison au chœur de Notre-Dame.

        Quand survient le divorce entre l’œil et l’oreille, conjointe abandonnée, c’est l’unité qui meurt. L’Esprit déserte l’art, le temple se profane, le « social » prend la place du spirituel. Dans une architecture inconsciente du Verbe, la Parole de Dieu, jetée au microphone, s’y brise et s’y déforme au gré de haut-parleurs dont les cent bouches crient : « Je m’appelle Légion. »

        Nefs désorientées du siècle des lumières, hall à la désastreuse influence acoustique, qu’importe aujourd’hui qu’on y chante l’Evangile sans se soucier de l’oreille directrice [2].

        Ne sachant plus chanter sur le rythme des neumes, l’adolescent, sevré de pierres et de ciel, livre aujourd’hui son cœur aux rythmes endiablés dont on connaît trop bien les effets dysleptiques [3]. Si l’unité sonore des anachorètes, transmise par les chœurs de moines cénobites, doit enfin s’élargir aux dimensions des peuples, il fau, plus que jamais, en garder le trésor.

     Demain

L’art cistercien, bernardin et l’art roman nous ont légué des « oratoires » dont la géométrie scrute les proportions et la physique mesure les sons. Disons d’emblée que les effets physio-psychologiques,  curatifs des troubles phonatoires, sont sans doute dus aussi à leur milieu réverbérant.

L’Histoire nous dira s’il y a synchronisme entre l’architecture et l’unité sonore et si leurs devenirs ont été parallèles. A l’heure où le latin n’est plus l’unique langue, l’oreille, exercée par des neumes séculaires, demande aux chants sacrés de respecter leurs sources. Qui, mieux qu’un oratoire, offre aux musicologues la possibilité d’études diachroniques pour passer du latin aux langues autochtones ?

Comme un très lent pendule oscille au fil des siècles, il nous faudra demain revenir à l’oreille. Quand sonnera pour nous l’heure apocalyptique [4] de plonger dans le sol des cryptes de béton, lieux sacrés à l’abri de la pluie atomique, l’architecture devra, dans la simplicité, répondre par avance à l’angoisse des foules en tirant de leur nuit la lumière du Verbe.[5]


[1]  « … Souvent, la messe de la Renaissance est le fleurissement polymorphe d’un thème grégorien … Loin de cacher le thème, les contrepoints s’appliquent à le mettre en valeur … Mais, il y a plus encore. Il y a cette dimension nouvelle qu’introduit dans la musique l’art polyphone. Jusqu’alors, les sens se promenaient dans l’espace sous la figure d’un fil horizontal. Soprano, alto, ténor, basse, lit-on maintenant en tête de la partition. Telle est l’actuelle disposition de l’édifice sonore. Il est devenu une masse qui a hauteur, profondeur. Fait essentiel par où s’accusent les relations du son et de la voûte. » (Joseph SAMSON, Musique et chants sacrés, Paris, Gallimard, 1957, p.48)

[2] Il s’agit de l’oreille droite assurant l’entrée vers le cerveau gauche, siège du langage. Cf. http://www.openinstitute-wordpress-blog.com

[3] de dys et leptique en grec Méd. Qui favorise un dysfonctionnement, sur le plan psychique.

[4] Étymologiquement, le mot « apocalypse » est la transcription d’un terme grec (ἀποκάλυψις / apokálupsis) signifiant « dévoilement » ou, sous un aspect religieux, « révélation »4 et appartient à un genre littéraire juif puis chrétien de type ésotérique — la littérature apocalyptique — qui présente une grande diversité mais qui a en commun un goût prononcé pour l'allégorie ainsi que pour le symbolisme5 et dont l’Apocalypse de Jean constitue un modèle du genre

[5] D’après Hubert LARCHER, 1968, in « Encyclopédie des musiques sacrées ».

 

On peut compléter l'étude historique sur la Musique Sacrée en visitant le site

http://www.ramifications.be/Musique_Sacree/intro.htm

 

Conseil à un chantre liturgique, avant de chanter

Oraison selon saint Alphonse de Liguori

Qu'une âme se garde bien d'abandonner l'oraison quelle que soit la peine, le dégoût qu'elle puisse rencontrer dans la pratique de cet exercice : car l'abandonner serait s'exposer à perdre sûrement Dieu. Dût-elle ne pouvoir dire que ces mots : "Mon Dieu, secourez-moi ; mon Jésus, miséricorde !" Son oraison serait excellente et lui serait très profitable.
Sans l'oraison, l'âme est privée de lumière. Les vérités éternelles, étant des choses toutes spirituelles, ne peuvent être connues des yeux du corps, mais seulement des yeux de l'esprit : elles ne se perçoivent que par la pensée et la réflexion. Les personnes qui ne font point oraison ne voient pas ces vérités ; dès lors, elles ne comprennent pas l'importance du salut, ni ne savent les moyens à prendre pour y parvenir. Saint Bonaventure compare encore l'oraison à un miroir qui nous montre toutes les taches de notre âme ; et sainte Thérèse, écrivant à un évêque, disait : "Nous croyons quelquefois n'avoir aucune imperfection, mais Dieu vient-il à dessiller les yeux de notre âme, comme il a coutume de le faire dans l'oraison, nous en découvrons bientôt un grand nombre." Sans l'oraison, on n'a pas la force nécessaire pour résister aux ennemis de notre salut et pour pratiquer la vertu. L'oraison produit sur notre coeur ce que le feu produit sur le fer ; quand le fer est froid, il est résistant et difficile à travailler, mais si on le soumet à l'action du feu, il s'amollit et devient malléable sous le marteau du forgeron. Le péché a rendu notre coeur dur et indocile ; mais grâce à la douce influence de l'oraison, il devient tendre et docile. "L'oraison, dit saint Ignace de Loyola, est le plus court chemin pour atteindre à la perfection." Le progrès dans la perfection est proportionné au progrès dans l'oraison.

 
Méthode d'oraison selon saint Alphonse de Liguori :

L'oraison comprend trois parties : la préparation, la méditation, et la conclusion.

I. Préparation

Tout d'abord disposez et votre esprit et votre corps à entrer dans un saint recueillement. Efforcez-vous de fixer votre attention ; n'abandonnez pas votre esprit à ses caprices. Dans la préparation on fait trois actes :

      1) Acte de foi en la présence deDieu, acte d'adoration. ã Je crois, ô mon Dieu, que vous êtes présent là où je suis, et je vous adore de tout mon cœur.

      2) Acte de contrition. ã Ah ! Mon Dieu, souveraine majesté, j'ai honte de paraître en votre présence car bien des fois je vous ai offensé, en préférant à votre grâce un indigne plaisir, un sentiment de colère, un caprice, un rien. Pardon, ô Jésus, au nom de votre sang répandu pour moi, je me repens bien sincèrement des outrages que je vous ai faits.

      3) Acte de demande. ã Père éternel, pour l'amour de Jésus et de Marie, donnez-moi vos lumières dans cette oraison, et faite qu'elle soit pour moi une source de grâces.

On se recommande ensuite à la sainte Vierge par un Ave, ainsi qu'à saint Joseph, à son ange gardien, à son saint Patron. Que ces actes dit saint François de Sales, soient fervents, courts, afin de passer aussitôt à la méditation.

II. Méditation

Il est bon dans son oraison de se servir d'un livre de méditations, surtout dans les commencements. Il faut s'arrêter aux passages qui nous touchent davantage : il n'est pas absolument nécessaire de lire toute la méditation. Mais, comme dit saint François de Sales, "il faut en cela imiter les abeilles qui s'attachent à une fleur tant qu'elles trouvent du miel à sucer, et qui volent ensuite sur une autre." Saint Thérèse pendant dix-sept ans a agi ainsi ; elle lisait un peu, puis méditait ; telle une colombe qui après avoir aspiré un peu d'eau, lève les yeux vers le ciel.

L'utilité de l'oraison consiste surtout :

      1) Dans les affections. ã Si après avoir médité un point, vous éprouvez quelque bon sentiment, élevez votre cœur à Dieu. Faites des actes d'humilité, de confiance, de remerciement, mais surtout des actes de contrition et d'amour : les actes de contrition et d'amour sont une chaîne d'or qui unit l'âme à Dieu. Dites par exemple : ã mon Dieu ! Je vous aime de tout mon cœur. Je ne veux que votre bon plaisir. Disposez de moi et de tout ce qui m'appartient, comme bon vous semblera.

      2) Les prières. ã Il est très utile, et peut-être préférable à quoi que ce soit, de faire de fréquentes prières dans l'oraison. On demande à Dieu les lumières dont on a besoin, la résignation, la persévérance, mais par dessous tout, son saint amour.

      3) Les résolutions. En terminant son oraison, il faut prendre une résolution spéciale, par exemple : de supporter les souffrances qui nous viennent de telle ou telle personne ; de se mortifier sur tel ou tel point. On doit renouveler la même résolution jusqu'à ce qu'on ait fait disparaître ce défaut ou qu'on ait acquis cette vertu.

III. Conclusion

1)       Remerciez Dieu des lumières que vous avez reçues.

2)      Proposez-vous d'être fidèles à vos résolutions.

3)      Demandez au Père éternel, au nom de Jésus et de Marie, la grâce de la persévérance.

Recommandez à Dieu, en terminant, les âmes du purgatoire ainsi que les pécheurs."

Saint Alphonse de Liguori

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                                        Maintenant, vous êtes prêts à entrer dans la Parole et dans le Chant.

 

 

 

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