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ou

Pourquoi l'Ensemble Vocal de Cambrai ?

ou encore

Pourquoi l'Ensemble Vocal de Cambrai chante-t-il ce qu'il chante ?

Si, aujourd'hui, nous parcourons le répertoire du plus grand nombre des chorales d'amateurs, liturgiques ou non, nous pouvons nous montrer étonnés par l'éclectisme qui le caractérise. C'est le parti pris par beaucoup de responsables de choeurs pour garantir une certaine pérennité à leur association.

D'autres groupes se soumettent à un type particulier, et restreint, de pièces car, essentiellement par respect de leur fonction dans une communauté, quelle qu'elle soit, ils sont tenus de respecter les contraintes édictées par " le courant du moment " soutenu par des décideurs qui, bien souvent, n'ont pas le souci de la valeur musicale, artistique voire culturelle de ce qu'ils promeuvent.

Enfin, des îlots éparpillés çà et là s'acharnent contre vents et marées à maintenir ce qui apparaît beaucoup comme des monuments d'un passé révolu et à la signification obsolète dans le contexte sociologique actuel, profane comme religieux.

Il nous paraît donc opportun d'apporter ici un éclairage anthropologique, c'est-à-dire d'évoquer et d'expliquer la place du chant en l'homme et la place de l'homme dans le chant. En effet, chanter n'est pas un acte quelconque : il touche l'être dans sa totalité et le met en relation avec d'autres, au-delà de l'espace et du temps.

Pour vraiment bien comprendre le propos, il nous faut cheminer à  partir d'éléments concrets, ceux de la physique et de la biologie. Sans eux, toute constructon de l'esprit n'est qu'un voeu pieux. Ainsi passent les modes.

 

Dans le domaine de la physique, ce sont les propriétés du son et des lieux où il vit qui nous intéressent. Si la matière sonore reste en permanence ce qu'elle est, son berceau, lui, s'est modifié au cours des siècles, chacun apportant son cortège d'innovations, musicales en particulier. Il n'est donc pas inintéressant de  "retourner aux sources" pourtenter de "com-prendre" l'homme qui chante.

Celles-ci, pour autant que nous le suggèrent les vestiges, notamment les manuscrits, nous conduisent, pour Cambrai, à la construction de la Cathédrale romane, dont il ne reste rien. Ainsi donc, pour les XIe et XIIe siècles[1], nous devons nous rendre hors les murs, jusqu'à la terre de Ligescourt jadis propriété du seigneur de Cambrai, Hughes d'Oisy. C'est là, en effet, qu'en 1132, Bernard de Clairvaux vint fonder l'Abbaye de Vaucelles selon des normes architecturales très strictes. L'art cistercien s'installait en terre cambrésienne dans le style bernardin. Etudions-en les caractéristiques sous l'angle qui nous intéresse.


[1] Avant cette période,  dans nos régions, nous ne pouvons guère que supposer les conditions de la propagation des sons, non afficher des certitudes.

Dès qu'ils construisent en pierre, pour durer, les cisterciens adoptent un plan identique, une technique uniforme, une exécution homogène. Si le plan bénédictin, issu de ceux de la villa  et de la laure [2], se retrouve dans leurs abbayes, les particularités de leur architecture découlent de leur parti pris de simplification, appliqué surtout aux églises.

Faites de pierres nues appareillées avec le plus grand soin, dépourvues de tout ornement, peinture, sculpture, tenture ou meubles superflus, elles sont systématiquement dépouillées de tout prétexte à distraction au détriment de la Parole. Entièrement voûtées à la mode de Bourgogne, elles ne se compliquent ni d'étages, ni de tribunes, ni d'arcades ou de orniches, ni d'aucun autre accident.

Sobres ouvertures dont le vitrail est exclu, oculi  [3] regardant l'un vers l'Orient, l'autre vers l'Occident : le jour, une pénombre est préférée à la couleur. Dans les aménagements du milieu du XIIe siècle, l'éclairage est régulièrement limité à cinq lampes pendant vigiles [4], messes et vêpres seulement.

Si cette architecture s'est répandue à travers toute l'Europe d'une manière explosive, l'épicentre de cette prodigieuse diffusion se situe à Clairvaux où saint Bernard, soucieux d'oeuvrer solidement, mit au point un programme de construction, qui dura jusqu'à sa mort en 1153, avec le concours de spécialistes qualifiés, parmi lesquels Achard le géomètre. Le plan bernardin possède des particularités dont certaines ont suscité l'étonnement, la controverse ou l'incompréhension, et qui résultent de trois partis pris.


[2] Une laure est une espèce de monastère où les cellules sont disposées en cercle.

[3] Un oculus est une petite baie ronde dans un mur en �l�vation, par exemple au sommet d'un tympan.

[4] Les vigiles sont l'office de nuit pour les moines qui "veillent", vigilare en latin. Lorsque cet office est chanté tôt le matin au lieu de la nuit, il est aussi appelé "Matines" .

 

Chevet plat de l'Abbatiale de Fontenay

Le parti pris de réduction dresse saint Bernard contre les dimensions, excessives selon son entendement, des églises clunisiennes [5]. Il ordonne de réduire longueur et largeur, dont procède la hauteur dans les tracés traditionnels, et n'hésitera pas, pour y bien réussir, à se tourner vers les modèles bourguignons du XIe siècle à voûtes en berceau, nefs sombres sans fenê tres, qui sont essentiellement des oratoires.

 

                                                                    

                                                                                 Vaucelles - Salle des moines

Le parti pris de rectangularité découle du précédent. Saint Bernard se montre préoccupé d'éliminer les courbes du plan pour les réserver à l'élévation. Il se refuse à autoriser l'abside [6] ronde autour du sanctuaire et n'admet que le chevet droit. Il paraît y tenir envers et contre tout : la liturgie de son temps l'oblige-t-elle à admettre des chapelles secondaires ? Celles-ci seront creusées au fond du mur droit, fût-ce au détriment de l'esthétique visuelle, plutôt que de consentir à l'abside.

 


[5] L'abbatiale deCluny (III) fut, pour trois siècles, le plus grand édifice religieux d'Occident (187 mètres de long), jusqu'à la reconstruction de la basilique Saint-Pierre de Rome en 1506. Le plan de l'édifice est en forme de croix archiépiscopale : il y a deux transepts. Le grand transept, dont un bras subsiste aux trois quarts, était long à lui seul comme une petite cathédrale. Il était surmonté de trois clochers : Le "Clocher de l'eau bénite" surplombe toujours le bras sud, le "Clocher des Bisans" surplombait le bras nord, et enfin le "Clocher du choeur", le plus imposant de tout l'édifice, couronnait la croisée centrale. Plus loin vers l'est, au milieu du choeur, se trouvait un petit transept, appelé "Transept matutinal", qui subsiste aussi en partie. Son croisillon central était surmonté d'une tour, dite "Tour des lampes", dont la fonction est mal définie : elle comportait en effet un tambour octogonal sans aucune ouverture, surmonté d'ne flèche. La nef était encadrée par quatre collatéraux et la voûte s'élevait à 33 mètres au-dessus du sol.

[6] L'abside est l'extrémité d'une église, derrière le choeur.

 

Le parti pris de l'ouïe. Refusant le culte du Beau, les premiers cisterciens " ont fait beau, rigoureusement par hasard", déclare un auteur. Cette opinion ne serait bien fondée que si l'on limitait le Beau à ce qui se peut voir. Mais, outre la beauté qui se montre à nos yeux, il en est une qui s'adresse à l'oreille, et, lorsqu'un choix se pose en forme de dilemme entre une architecture ordonnée à la vue et des dispositions qui favorisent l'ouïe, Bernard prend le parti de l'écoute de Dieu.

Saint Bernard enseigne, en effet, s'appuyant sur les Ecritures, que, "dans les choses de la foi et pour connaître le vrai, l'ouïe est superieure à la vue." Entré par la vue, le mal avait brouillé la vue ; par le même chemin, si nous ouvrons l'oreille, le remède verbal peut la régénérer. Et Saint Bernard ajoute : "Vous devez savoir que le Saint Esprit, pour faire avancer une âme dans la spiritualité, recourt à la même méthode : il éduque l'ouïe avant de réjouir la vue. "Ecoute ma fille, dit-il, et vois. " (Ps. 44, 11)

"Pourquoi nous efforcer de voir ? Il faut tendre l'oreille [droite]. L'ouïe, cependant, nous restituera la vue si notre attention est pieuse, fidèle et vigilante. Seule l'ouïe atteint à la vérité parce qu'elle perçoit le Verbe. Et donc : il faut éveiller l'ouïe et l'exercer à recevoir la vérité."

 

 

Il n'est guère pensable que le souci d'éveiller l'ouïe sur fond régulier de silence (monacal) n'ait pas exercé une profonde influence sur l'architecture bernardine. S'y traduit essentiellement la primauté du Verbe "réverbéré" par l'homme en louange de Dieu.

Le parti pris de l'ouïe domine les trois autres.

Celui de la simplification exclut tout accident des surfaces de pierre qui pourrait altérer la réverbération, tout mobilier, toute tenture qui pourrait étouffer le son, tout ornement, toute peinture et tout vitrail susceptibles de détourner vers l'oeil l'attention que l'on doit réserver à l'oreille. Et pour mieux assurer encore cette priorité senorielle, "l'éclairement" lui-même sera limité.

 Le parti pris de réduction, pour la même raison, s'applique au nombre des fenêtres, assombrissant la nef. Si l'église mérite le nom d'oratoire, c'est parce que ses dimensions sont bien délimitées par la mesure de l'oreille et de la voix.

 Le parti pris de la rectangularité est le moins explicable de tous : l'esprit "droit" de Bernard ne s'applique qu'au plan, non à l'élévation des voûtes qui sont courbes. Le saint se tait sur la technique et ses raisons. Mais s'il veut garder le silence, est-ce parce qu'il faut respecter les secrets d'Achard le géomètre et du compagnonnage ? En effet, les tracés cachent le nombre d'or (1,618), divine proportion, à la mesure humaine, qui régit aussi bien le son que la lumière.

 Est-ce pour cette raison que la nef de l'abbaye du Thoronet n'a pas de son fondamental, de telle sorte que toutes les notes y résonnent également, de la plus basse à la plus haute, que la mélodie s'y déroule homogène ? Les plans et relevés, unanimes, montrent que les rectangles et triangles fondés sur le nombre d'or sont liés entre eux. Ils contribuent à l'harmonie des formes et à l'unité de leurs proportions. C'est sans doute ce qui assure l'harmonie des sons et l'unité sonore exceptionnelle de cette église en particulier et, pour quoi ne pas l'imaginer, de celles qui ont relevé des mêmes principes "bernardins".

 

 Voûte austère, voûte exigeante dont la réverbération peut atteindre comme au Thoronet quatre secondes et qui, sous peine de sanction, ne s'accommode pas de n'importe quel timbre et veut un certain rythme en accord avec elle.

La pierre vibre avec le choeur, le temple est un immense instrument de musique dont le chant est rythmé par le souffle de l'homme.

 

Pour que l'instrument soit parfait dans son ensemble ainsi qu'en toutes ses parties, il doit tenir son unité de celle du cosmos. Pour éviter l'écueil des fantaisies gratuites et les excès d'un onirisme délirant, il lui faut obéir aux lois de l'univers en les subordonnant à la mesure humaine. Et c'est ainsi que la maison de Dieu, qui est aussi maison des hommes, se dresse comme un mésocosme [7] entre le microcosme et le macrocosme, grâce à la pierre  "orientée" [8] et grâce à l'or de sa divine proportion.

        Les règles de construction paraissent moins particulières à l'architecture bernardine que propres  l'ensemble du roman bourguignon dont elle est issue. Mais le croquis d'église projetée par l'Ordre de Cîteaux, que releva Villard de Honnecourt [9], obéit à des proportions qui correspondent aux accords [10] de quinte, de quarte et de tierce majeure.


 

[7] Littéralement : mεσος κοσμος : mesos = au milieu, cosmos = monde  :  "le monde ntermédiaire" ; μικρος κοσμος : micros = petit : "le monde de ce qui est petit" ; μακρος κοσμος : macros = grand  : "le monde de ce qui est grand"

[8] "Orientée" = l'église est tournée, dirigée vers l'est : l'autel du choeur, au soleil levant (à l'est, à l'orient)

[9] Né autour de l'an 1200, est originaire du village de Honnecourt-sur-Escaut situé près de Cambrai. Comme les compagnons de son temps, il fait son apprentissage en allant de ville en ville et de chantier en chantier. Il deviendra plus tard magister latomus , c'est-à-dire maître d'oeuvre, profession qui englobe le métier d'architecte. Son activité professionnelle couvre les années 1225 à 1250. Les hommes de métier de l'époque voyageant beaucoup, nous connaissons, grâce à son Carnet, quelques-unes des étapes de son périple : Vaucelles, où il travailla à la construction de l'abbaye cistercienne, Cambrai, où il assista à l'élévation du choeur de Notre-Dame de Cambrai, à Reims, Laon, Chartres et Lausanne, mais également, vers 1235, la Hongrie, où il édifia à Kosice, la cathédrale dédiée à sainte Elisabeth de Hongrie. On lui doit aussi le "Canon de division harmonieuse", qui est utilisé en typographie pour dessiner les proportions des marges dans le cadre de la page.

[10] Ou plutôt l'"intervalle" comme l'explique ce qui suit.

 

Rationalisation et mathématisation de la musique

Pythagore

Les propriétés de l'onde sonore furent mises en valeur par les Grecs, maîtres de l'architecture des théâtres et premiers "expérimentateurs" des relations numériques entre longueur de la corde vibrante et hauteur du son.

Le monocorde

Dans cette expérience la vibration est mathématiquement reliée à la hauteur du son par des valeurs numériques. Communément attribuée à Pythagore, la relation numérique entre la longueur d'une corde vibrante et les hauteurs musicales renvoie aux conceptions mystiques que les Grecs se faisaient de la puissance des nombres. De fait, la théorie grecque de l'essence de la musique considérait que la beauté (notament musicale) est tout entière contenue dans la proportion, et donc dans le nombre. De façon totalement empirique, les pythagoriciens ont découvert cette notion essentielle de rapport entre grandeurs physiques et hauteurs des sons musicaux, à l'aide de cette corde tendue le long d'un résonateur, instrument qui sera appelé par la suite, monocorde. Cet instrument fut donc un des premiers dispositifs de "recherche musicale". Si la corde tendue est maintenue à une tension constante, sa vibration émet un certain son. En divisant la corde par un coin (sorte de chevalet), on élève la fréquence du son émis, le son est plus aigu. Afin de ne pas faire d'anachronisme, il faut cependant souligner que les Grecs anciens ignoraient que la hauteur du son est fonction de sa fréquence. Cela ne sera établi qu'au XVIe siècle.

La proportion

Le rapport entre la longueur totale et la portion de corde pincée établit certaines relations exprimées sous forme de fractions, qui correspondent à des intervalles musicaux (1/2 = octave ; 2/3 = quinte ; 3/4 = quarte ; 4/5 = tierce majeure ; 5/6 = tierce mineure). On sait aujourd'hui que ces relations fractionnaires proviennent de la nature physique des ondes sonores, qu'elles expriment la périodicité des sons musicaux et la décomposition harmonique qui en résulte.

Une échelle musicale fut ainsi bâtie sur le raisonnement, en multipliant par 3/2 la fréquence fondamentale, c'est-à-dire en réalisant une échelle en quinte parfaite, réduite à l'intérieur d'un intervalle de quarte (et non sur une échelle octaviante comme la nôtre). Des chercheurs ont émis l'hypothèse que ce choix avait été dicté de façon pragmatique par les intervalles des quatre cordes de la lyre. En fait, la notation grecque utilise des centaines de signes qui sont totalement impénétrables à nos esprits aujourd'hui habitués à une échelle qui repose sur l'octave.

Ni la précision des instruments ni la discrimination auditive n'ont pu atteindre la finesse des intervalles ainsi dévoilés par le seul calcul. Pour la première fois la rationalisation du calcul mathématique prenait une place importante dans la phase de modélisation musicale. L'univers des mathématiques, rationnel, permettait de correspondre avec cet autre univers, irrationnel, celui de la création, en principe réservée dans la mythologie grecque à des divinités.

Décomposition harmonique

La théorie des harmoniques qui se déduit de ces relations numériques, date de Goseffo Zarlino. Dans ses Institutioni harmoniche, en 1558, il apparaît comme le premier théoricien de la musique baroque et de la progression vers la tonalité. Son traité est contemporain du traité des proportions d'Albrecht Dürer (1528). Tous deux offrent à l'artiste un statut de chercheur, capable de diriger sa composition vers une perception particulière. La théorie fut reprise par Descartes (1618, Musicae Compendium) et surtout par Joseph Sauveur (1653-1716). Sauveur est un scientifique qui a pressenti l'application musicale d'une composition harmonique ; mais c'est à  Jean-Philippe Rameau que revient la paternité du Traité de l'harmonie réduite à ses principes naturels (1722) qui crée la science harmonique, la science des accords. La théorie musicale de Rameau fonde la pratique de la composition : en expliquant le principe de renversement des accords, il démontre l'invariance de  l'état fondamental . Cette évolution vers la simplification permit la mise en place de la basse continue et un nouveau traitement de la dissonance. Elle contient en germe les forces directrices de rationalisation de la tonalité mises en place à l'époque baroque : la réduction de l'accord à une superposition de tierces (accord parfait), permet de contenir l'ensemble de la gamme autour de trois accords pivots (I / IV / V).

Les harmoniques

En musique, une harmonique est une composante à part entière d'un son musical. Il s'agit d'une fréquence multiple de la fréquence fondamentale. Un son est une onde caractérisée physiquement par sa fréquence de vibration; elle se mesure en Hertz (en nombre de vibrations par seconde). Par exemple, le "La3" (ou A3) possède une fréquence de 440 Hz. Plus un son est aigu plus sa fréquence est élevée. La musique, intimement liée à la notion de consonance, s'est élaborée au cours du temps à partir de la décomposition d'un son en harmoniques. Une onde sonore de hauteur constante est composée d'une superposition de sons élémentaires nommés harmoniques dont les fréquences sont des multiples entiers de la fréquence fondamentale. Le son produit par un instrument à vent contient de nombreuses harmoniques naturelles, alors que certains instruments comme les percussions émettent des fréquences inharmoniques ( par exemple pour un triangle). On dit du son de ces instruments qu'ils ne contiennent que des partiels. Le spectre harmonique révèle ainsi l'ensemble des fréquences qui déterminent le timbre de chaque instrument.

Chaque harmonique possède une intensité relative par rapport aux autres. C'est cette proportion de l'amplitude de ses différentes harmoniques qui fait que, par exemple, un violon n'a pas le même "timbre" qu'une flûte émettant un son de même hauteur (c'est-à-dire de même fréquence fondamentale). En fait lorsqu'on parle de fréquence fondamentale, on parle de la fréquence de la première harmonique du son considéré, qu'on désigne comme harmonique 0 ou harmonique fondamentale (souvent on inclut la fondamentale dans l'ordre des harmoniques, elle porte donc le chiffre 1). En pratique, la note que l'on entend est tout simplement l'harmonique qui a la plus grande intensité et c'est souvent la plus grave. Certains sons peuvent cependant tromper l'oreille, une harmonique aiguë pouvant s'entendre plus fort que la fondamentale et la cacher.

En regardant attentivement le tableau des fréquences de notes ci-dessous, les musiciens vont trouver une correspondance entre les fréquences harmoniques d'une note et les notes qui s'accordent harmonieusement avec la fondamentale. On sait par exemple que pour la note La1, les notes constituant des intervalles naturels avec elle sont Do# (la tierce), Mi (la quinte), Sol (la septième), La2 (l'octave), Si (la neuvième) etc. Les harmoniques d'une note sont données par les fréquences multiples de la fondamentale. Prenons par exemple la fondamentale La0 (55 Hertz). Pour obtenir l'harmonique suivante, il suffit de multiplier cette fondamentale par 2, ce qui nous donne (110 Hertz). Pour obtenir la troisième harmonique, on multiplie par 3, nous donnant (165 Hertz). Il en va de même pour toutes les autres harmoniques. Voyons où se situent en terme de hauteur les 16 premières harmoniques à partir de la fondamentale La0 (55 Hertz). La numérotation utilisée inclut la fondamentale. De plus, le nom des notes entre [crochets] sont des approximations. En effet, certains sons harmoniques ne sont pas tout à fait accordés selon le tempérament égal que nous utilisons dans le système musical occidental. C'est pourquoi la notation de ces notes particulières se fait en ajoutant + ou - en niveau de "cents". La valeur "cents" est une unité pour diviser en 100 parties égales le demi-ton. Donc 50 cents est équivalent au quart de ton. Les notes entre [crochets] sont donc notées en fonction du fait qu'il faut leur ajouter + ou - quelques "cents "afin d'obtenir la justesse du tempérament naturel de l'échelle des fréquences harmoniques. Les intervalles (octave, quinte, tierce, septième etc.) déduits à partir de la fondamentale, apparaissent seulement à titre indicatif afin de pouvoir mieux mémoriser  "l'ordre des harmoniques".

 

1-( 55 x 1 = 55 Hertz,  fondamentale ) = La0
2-( 55 x 2 = 110 Hertz, octave juste ) = La1
3-( 55 x 3 = 165 Hertz, quinte juste ) = [ Mi2 + 2 cents ]
4-( 55 x 4 = 220 Hertz, octave juste ) = La2
5-( 55 x 5 = 275 Hertz, tierce majeure ) = [ Do#3 -14 cents ]
6-( 55 x 6 = 330 Hertz, quinte juste ) = [ Mi3 + 2 cents ]
7-( 55 x 7 = 385 Hertz, septième mineure ) = [ Sol3 - 31 cents ]
8-( 55 x 8 = 440 Hertz, octave juste ) = La3
9-(55 x 9 = 495 Hertz, neuvième majeure ) = [ Si3 + 4 cents ]
10-(55 x 10 = 550 Hertz, tierce majeure ) = [ Do#4 - 14 cents ]
11-( 55 x 11 = 605 Hertz, onzième augm. ) = [ Ré4 - 49 cents ]
12-( 55 x 12 = 660 Hertz, quinte juste ) = [ Mi4 + 2 cents ]
13-( 55 x 13 = 715 Hertz, treizième mineure ) = [ Fa4 + 41 cents ]
14-( 55 x 14 = 770 Hertz, septième mineure ) = [ Sol4 - 31 cents ]
15-( 55 x 15 = 825 ertz, septième majeure ) = [ Sol#4 - 12 cents ]
16-( 55x 16 = 880 Hertz, octave juste ) = La5

(source : encyclopédie wikipedia)

En fait, des recherches exactes seraient bien nécessaires à qui voudrait préciser les rapports entre les proportions géométriques et les propriétés acoustiques des oratoires.

Toutefois, le parti pris de l'ouïe veut que trois voûtes sonores le symbolisent ;voûte céleste où joue la musique des sphères, éternelle et puissante à l'image du Père, et voûte du palais où vibre la parole, modulée dans la chair à l'image du Verbe. Et, répondant aux deux, une voûte de pierre qui réfléchit le Verbe et féconde l'oreille, comme le Saint Esprit, celle de Notre-Dame.

L'unité sonore

        "Le Pneuma (πνeυμα), c'est le souffle de l'homme qui mesure le neume [11] au sein des monodies [12].

        La voûte à voix sonore, inexorable index du moindre des écarts de hauteur et de rythme, exige l'unisson du plain-chant, monodie à l'unité de temps [13] qui demeure invisible sur le livre, inexistante dans l'écriture, contraint les chanteurs au parfait synchronisme.

        Quant au diachronisme, il impose sa loi ; les notes égrenées dans un même neume passent du choeur au mur et du mur aux oreilles. Une s'y meurt alors que la suivante naît. La réverbération présente à l'ouïe le son déjà passé par le présent des lèvres.


[11] Un neume, particulièrement en chant grégorien, est l'ensemble des sons chantés sur un même souffle.

[12] Mélodie à une seule voix, à l'unisson.

[13] Jadis, on "comptait" en grégorien ; les découvertes, notamment de Dom Jan CLAIRE de l'Abbaye de Solemes, ont mis en lumière  "l'unité agogique", c'est-à-dire dans le mouvement, davantage un élan, une arsis, menant vers l'accent principal où siège un temps de latence, pour finir par un posé ou thésis. C'est donc l'ensemble d'un groupe ou d'une phrase qui sert d'unité.

 

La voûte qui déchante  épaissit le présent et donne, en contrepoint, la synthèse des voix, mélodie continue de sons discontinus, chacun en harmonie avec ceux qui précèdent.

La mort d'un son rejoint la naissance de l'autre au sein d'une structure maîtresse du temps qui conduit de la vie à la métamorphose si le rythme imposé par l'espace de pierre s'accorde avec ceux de la voix et de l'oreille.

L'ouïe, ou plutôt l'écoute, et la voix oeuvrent dans une unité fonctionnelle, sorte de schéma cybernétique, "boucle audio-vocale", conditionnant le chant et le langage : ce que l'oreille peut percevoir, la voix le reproduit ; d'où la voix caverneuse des anachorètes transmis par le chant aux premiers cénobites, et dont les Thibétains nous offrent un exemple.

 L'église de style bernardin est bien un "oratoire" : "lab-oratoire" où l'homme, à l'écoute du ciel, travaille,comme un pain, comme une nourriture, la parole-semence du Verbe Divin, avec ou sans tympan, narthex ou labyrinthe, une oreille géante qui enregistre les voix.

Analogues aux canaux semi-circulaires [1], les courbes jaillissant du choeur au presbytère, équilibrant les sons, les porte à la voûte qui pétrifie le Verbe en une seule voix. Et ce modèle unique, à son tour, conditionne une diversité d'oreilles puis d'accents [2].

 

Bascule côté : roulis

Bascule avant : tangage

Rotation

Les trois schémas ci-dessus illustrent le mouvement relatif de l'endolymphe dans les différents canaux du vestibule droit lors de l'accélération angulaire de la tête dans chacun des plans des canaux semi-circulaires. Les flèches indiquent le mouvement de la tête et le déplacement de l'endolymphe dans la direction opposée.

Il fallait donc prêter une grande attention à l'accent du latin parlé pour découvrir la patrie d'origine des Européens.

Comme l'ouïe s'ouvre avant que l'enfant ne voie le jour, l'office de Matines retentit avant que la lumière n'éclaire l'oculus [3]

De même que les heures, s'intègrent les jours ; de même que les jours, les cycles liturgiques ; du soleil de Noël à la lune de Pâques, le continu des chants, dominant les silences, signifie que le Verbe est vainqueur de la mort. Le nerf auditif, en mourant le dernier, a préparé l'éveil des nouvelles structures qui, dès l'Alleluia  de la Résurrection chanté dans l'au-delà par les neuf choeurs des anges, répondant à l'appel du Verbe Créateur par les chemins secrets de la synesthésie [4], ouvriront l'oeil à la vision béatifique [5].

 


[1] Les trois canaux semi-circulaires, horizontal, vertical antérieur et vertical postérieur sont disposés de manière orthogonale dans trois plans différents de l'espace et sont sensibles aux accélérations angulaires.

[2] Voir le chapitre sur l'impédance du lieu.

[3] Cf. supra.

[4] La synesthésie (du grec syn, avec (union), et aesthsis, sensation : συν - αισθησις) est un phénomène neurologique par lequel deux ou plusieurs sens sont associés. Synesthésie musique → couleurs

Les synesthésistes musique → couleurs perçoivent des couleurs en réponse à des sons. Comme les synesthésies graphèmes → couleurs, les synesthésies rapportent rarement les mêmes couleurs pour des tons donnés (pour un synesthésiste, un la dièse peut être rouge ; pour un autre synesthésiste, il sera vert). Cependant, les synesthésies sont constantes : testé des mois plus tard, un synesthésiste va rapporter les mêmes expériences qu'il avait précédemment rapportées. Les changements de couleurs impliquent plusieurs critères : la teinte, la luminosité (la quantité de noir dans une couleur, du rouge avec du noir peut apparaître marron), la saturation (l'intensité de la couleur, par exemple le rose pâle est moins saturé que le rose fushia), et la teinte peut être affectée à des degrés différents (Campen/Froger 2002). De plus, les synesthésies musique → couleurs, à la diff�rence des synesthésies graphèmes → couleurs, rapportent souvent que les couleurs changent, ou se déplacent dans leur champ de vision.

[5] "Tu désires voir, écoute : l'audition est un degré vers la vision", disait Saint Bernard.

 

suite et fin in "Musique Sacrée"